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mardi 12 février 2019 à 20h30

Ciné mon mardi :Derniers jours à Shibati

Des films et des rencontres

Bonjour à vous, spectateurs de Ciné mon Mardi, fidèles ou occasionnels, cinéphiles chevronnés ou amateurs avertis d'un cinéma de qualité,

Pas moins de treize récompenses dans les festivals !
Derniers jours à Shibati a touché au cœur les membres des jurys mais aussi les premiers spectateurs des salles. Sorti fin novembre, le film progresse lentement mais sûrement en notoriété (2 copies seulement) et nous arrive à Veynes.

Hendrick Dusollier nous parle de ce qu'il connaît. Sa famille a vécu l'exil forcé d'un quartier populaire dôté d'une âme vers un HLM impersonnel de relogement. Réalisateur talentueux déjà récompensé pour un court sur le même sujet à Barcelone, il nous montre et nous fait vivre cette fois-ci en Chine la gaîté et la convivialité dans laquelle vivaient les habitants de Shibati. Leurs maisons ont été aujourd'hui détruites en même temps qu'ont disparu à jamais un mode de vie et une sociabilité qui ne pourront jamais renaître dans les tours et immeubles imposés par le développement économique explosif d'une ville.

Effacer le passé du jour au lendemain s'accompagne obligatoirement de traumatismes que le film dénonce, mais Derniers jours à Shibati n'en est pas moins un film positf. Les personnages débordent d'humour et de joie de vivre. En l'Homme faut-il croire !

Derniers jours à Shibati
mardi 12 février à 20h30, avenue Picasso à Veynes.

Ciné mon Mardi


mardi 12 février à 20h30


Derniers jours à Shibati
de Hendrick Dusollier

Le propos

Dans l'immense ville de Chongqing, 30 fois la surface de Paris, le vieux quartier nommé Shibati est sur le point d'être démoli et ses habitants relogés. Le cinéaste y pose sa caméra, se lie d'amitié avec le petit Zhou Hong, Mme Xue Lian et le barbier M. Li et montre ce que subissent trois générations de chinois, victimes de la modernisation de leur pays.

« S'il vient ici, c'est que ça doit être un paumé dans son pays ».

Les derniers habitants de Shibati se moquent tendrement du documentariste Hendrick Dusollier, se demandent quel est l'intérêt de venir filmer leur quartier qui va être détruit et se préoccupent finalement de savoir s'il a mangé. Des boutades et des attentions qui le font d'emblée descendre de son rôle de cinéaste tout-puissant, ce réalisateur qui a fait le choix de débarquer en Chine sans interprète et visiblement sans comprendre un mot de ce qu'on lui raconte.

Ce qui fait tout le prix de Derniers jours à Shibati, multi-primé dans nombre de festivals internationaux, c'est que Dusollier ne se donne aucun air de documentariste venu filmer la misère à l'autre bout du monde. Loin de se cacher derrière sa caméra pour devenir un pur œil ethnologique, Dusollier préfère se laisser guider par les habitants, suivre un enfant, une vieille femme, des personnages et qui, bien loin de se plaindre de vivre dans de telles conditions, regrettent de devoir aller habiter dans des appartements modernes où chacun se retrouvera seul devant sa télé.

Le plus notable est assurément Zhou Hong, un gosse de sept ans, qui saura mieux que ses aînés laisser derrière lui Shibati et se faire à la vie moderne - même si ses premiers pas dans le métro lui valent un méchant mal de crâne et s'il trouve le Coca-Cola beaucoup trop sucré. Mais il y a aussi Mme Xue Lian, "Lotus blanc", une vieille dame très digne qui s'est construit la "maison de ses pensées" en entassant des objets trouvés dans les poubelles du quartier. En ce sens, Derniers jours à Shibati ne montre pas tragiquement la pauvreté, mais donne le sentiment d'avoir trouvé, dans une grande ville urbaine, un passage secret qui donne sur un univers bientôt voué à la destruction.

Quel bonheur d'avoir d'emblée affaire à un film où la présence de la caméra au milieu des gens, dans leur vie de tous les jours, n'est pas dissimulée par des artifices. Rappelons que le cinéma documentaire constitue aujourd'hui une réponse essentielle au torrent d'images éclatées, sans sources identifiables, qui inondent nos écrans. Dès lors qu'il respecte ses propres exigences (recherche d'une forme, éthique du tournage et du montage, temporalité longue consacrée à la recherche et à la réalisation), le documentaire est un terrain de résistance active aux manipulations en ligne, sous garantie bien sûr que ne s'y jouent pas également des effets de propagande ou de malhonnêteté.
Sans doute Derniers Jours à Shibati sera un jour considéré comme un témoignage important de notre époque.

L'équipe de Ciné mon Mardi
d'après Le Monde, Slate.fr, Télérama